vendredi 8 janvier 2016

« Court serpent » de Bernard du Boucheron

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Une histoire noire mais bien racontée. Nous sommes au XIVe siècle quand l’Abbé de Joug-Dieu, Montanus, un Norvégien et inquisiteur ordinaire et extraordinaire, est envoyé en mission. Il doit visiter une colonie chrétienne de Nouvelle Thulé dans l’extrême Nord du Groenland avec laquelle on a perdu le contact. Sa mission est simple ; enquérir de l’état du peuple chrétien, faire un rapport sur la situation locale et restaurer la foi et l’ordre.

Le Court Serpent est le nom du bateau avec lequel Montanus fait le voyage. C’est un voyage effrayant, le temps est terrible et il fait froid. Après son arrivée en retard, après une traversée dégoûtante, il découvre le destin triste de la colonie. C’est la déchéance totale : les gens ont perdu la foi chrétienne, mais, plus important, leurs fermes ont échoué, on a faim, on a froid, ils n’ont rien à perdre, bref, ils sont désespérés. Alors, l’inquisiteur, il va essayer de reconstruire la colonie et de rétablir la foi.

C’est une histoire noire sans un quelconque élément positif. Les colons et l’équipage du Court Serpent, les deux se trouvent dans une position impossible dans laquelle ils ont recours au cannibalisme. En lisant ce livre, on n’oublie jamais que l’histoire se déroule au XIVe siècle, c’est toujours le Moyen Âge barbare. Les punitions sont affreuses, même si le bois manque pour les bûchers. L’inquisiteur cherche d'une façon créative des nouvelles punitions pour discipliner ses ouailles. Par exemple, il se demande comment il devrait punir quelques enfants. Finalement, il décide de leur prendre un œil, au lieu de leur trancher une main ou un pied de sorte qu’ils puissent encore travailler la terre.

C’est une histoire effrayante, mais c’est aussi une histoire vraiment fascinante. Le style du texte est original et authentique, par exemple par l’utilisation des formes de politesse démodées. Bien que les phrases soient longues et le vocabulaire est riche, le texte reste toujours facile à lire. J’ai aimé surtout ce sens de l'humour noir et subtil.

J’ai lu le livre avec beaucoup de plaisir. Malgré la sauvagerie et malgré toutes les choses épouvantes, pour moi, le texte ne dégénère jamais. Je crois que l’auteur ne présente pas les horreurs pour choquer les lecteurs d’une façon facile. C’est une histoire sur un temps impitoyable, le Moyen Âge, et sur un endroit lamentable, Groenland au début d’un petit âge glaciaire. Alors, c’est un roman réaliste qui n’a rien d’un conte de fées.

Le livre a gagné le Grand Prix du roman de l'Académie française en 2004.