mercredi 18 novembre 2015

« La fin de l'homme rouge » de Svetlana Alexievitch

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Magnifique !

L’auteur a invité un grand nombre de gens à raconter leur enfance dans l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et à partager leurs pensées et expériences en ce qui concerne les développements et changements sous Gorbatchev. Toutes ces histoires et ces pensées se sont couchées sur le papier dans ce livre. De plus, l’auteur présente des commentaires de gens inconnus enregistrés dans les rues. L’ensemble, les histoires personnelles et les commentaires, constitue un récit impressionnant et touchant.

On trouve beaucoup des sujets  dans ce livre ; la fierté des vrais communistes, la répression, l’angoisse, la pénurie, la vie en Sibérie, la Seconde Guerre mondiale, les développements sous Gorbatchev… Mais on trouve surtout des souvenirs personnels, les espoirs et les tragédies humaines. Évidemment, grâce à Soljenitsyne et d'autres auteurs, on connaît déjà la vie et le désespoir des prisonniers dans les camps et dans les prisons en URSS. Svetlana Alexievitch, elle, elle présente les histoires des citoyens normaux dehors les camps et les prisons.

On développe de la sympathie pour les grands-parents qui racontent leur vie dans l’URSS. Leurs histoires sont touchantes. Ils ont souffert de la répression de Staline, ils ont souffert de la peur et de la pénurie, ils se sont envoyés en Sibérie… Toutes ces expériences crèvent le cœur du lecteur. Après Gorbachev, ils ont perdu leur travail, leur sécurité financière et leur pays. Les fiers soldats de l’URSS de la Seconde Guerre mondiale et après, ils sont devenus des mendiants dans leur nouveau pays.

Les grands-parents d’aujourd’hui, ils ont aussi perdu leurs petits-enfants qui ne connaissent plus l’histoire d’URSS. Leurs petits-enfants vivent dans un autre monde et connaissent à peine les noms de Lénine et Staline. Ces jeunes, ils ont un seul intérêt : l’argent. Leurs grands-parents, ils étaient des intellectuels, ils n’avaient pas d’argent ou de biens. Ils lisaient et ils partageaient secrètement des textes interdits (le samizdat et le tamizdat) dans leurs cuisines. Ils ont souffert beaucoup de la répression et de la pénurie. Et voilà, les gens de la jeune génération d’aujourd’hui, ils ne veulent pas savoir. Les grands-parents craignent qu’ils perdent leur histoire à eux. Ils craignant que toutes leurs expériences soient oubliées et que toute la souffrance ait été pour rien. Ancien communiste ou pas, les grands-parents de l’URSS ne peuvent pas s’adapter à leur nouveau « pays capitaliste à la Russie ».

Il y a aussi d’autres récits, comme l’histoire d’une Arménienne, réfugiée de la guerre dans le sud de l’URSS ou l’histoire d’une survivante d’un attentat terroriste contre le métro à Moscou. Tous les récits sont émouvants et très bien écrits. En effet, le texte du livre est toujours fluide et cohérent. On ne remarque pas que ce sont des récits des personnes différentes. Le livre se lit très facilement. On a presque l’impression qu’on est là, ensemble, à table avec le raconteur ou la raconteuse.

C’est un bel œuvre admirable. L’auteur a réussi à transformer un grand nombre des histoires personnelles et émouvantes dans un livre cohérent et digne d'être lu. Le livre donne une historiographie alternative et captivante. Il m’a donné beaucoup d’envie de lire aussi son autre œuvre connu, celui sur la tragédie de Tchernobyl.


L’auteur a gagné le Prix Nobel de littérature en 2015.