- Les maux et les mots de l’écologie
- Les différents courants de l’écologie politique
- De l’écologie politique au développement durable
- Le courant institutionnaliste de l’écologie politique et le problème auquel il cherche à répondre : l’incapacité des démocraties à gérer le long terme
Voilà, le résumé du module 1.
Module 1 Les maux et les mots de l’écologie
Les idées écologiques remontent au début du XIXe siècle avec l’industrialisation de l’Europe d’un côté et la déforestation rapide du continent nord-américain de l’autre. Après la Deuxième Guerre mondiale, la prise de conscience écologique revient en force et va s’imposer et se diffuser : la déplétion des ressources naturelles va fragiliser nos activités économiques et les pressions exercées sur le système Terre vont fragiliser plus généralement les conditions de vie sur Terre.
De la juste qualification des difficultés : crise, risques, pollution
On ne peut pas percevoir tous les problèmes écologiques. Nos sens ne nous alertent pas sur les deux catégories de problèmes ; les déplétions des ressources naturelles et les pressions sur le système-Terre. Alors, on a besoin de médiation scientifique, pour percevoir le monde dans lequel nous vivons. On doit être capable de connaître les mots justes pour des choses qu’on ne voit pas. Donc, on doit utiliser la juste qualification des mots crise, risques, pollution. De plus, on doit distinguer crise et état inexpérimenté du système-Terre, risque versus menace, et pollution versus flux.
Crise
Une crise, c’est en général un moment charnière, relativement court, où l’on sort d’un temps normal. Pour rentrer dans un temps de bouleversement et la sortie de crise, qui est censée arriver relativement rapidement, c’est le retour très souvent à une nouvelle normalité, à de nouvelles normes. Or, en matière d’environnement, ce n’est absolument pas ça qui est en train de se produire. Par exemple, en regard du changement climatique ou l’érosion de biodiversité, on n’est pas du tout sur un temps court. Le mot crise nous fait croire que nous passons une passe difficile dont nous allons sortir pour retrouver quelque chose qui ressemblera, d’une manière ou d’une autre, à ce qu’on avait connu autrefois. Mais non, ce n’est pas vrai, le monde change très profondément.
Risque
On parle de risques environnementaux et de risques écologiques. Comme avec le mot crise, on est confronté à ce type de mot, de vocable qui indirectement, sans même qu’on le perçoive vraiment, réduit, édulcore, euphémisme le niveau de problème. Par définition, un risque, c’est quelque chose de circonscrit dans le temps, dans l’espace, et c’est aussi quelque chose généralement de compensable financièrement. Donc, le risque, c’est par définition exceptionnel, et d’une certaine manière, au moins à un certain degré surmontable. Cependant, on se trouve à un niveau supérieur. C’est l’ensemble des conditions d’habitabilité de la planète qui vont changer. La part en permanence habitable de la planète, ce qu’on appelle l’écoumène, va se rétrécir.
On propose l’expression de dommages transcendantaux. Le transcendantal, c’est ce qui conditionne la possibilité de quelque chose. Les dommages que nous sommes en train de produire sont transcendantaux. Ils concernent nos conditions générales d’existence pour un temps indéfini sur cette planète. Le mot risque ne permet pas du tout d’entrevoir ça. C’est pour ça qu’on préfère parler de menaces et de dommages transcendantaux.
Pollution
Le mot pollution fait aussi partie de ces mots qui nous induisent en erreur. On a une première catégorie de problèmes, tout ce qui concerne la déplétion des ressources, donc ce n’est pas un problème de pollution. On a bien des pollutions et elles sont un problème véritablement important. Mais, elles ne sont qu’un problème, un parmi neuf grands problèmes. La première difficulté, c’est réduire des problèmes d’environnement, qui sont très nombreux, à un seul problème de pollution. La deuxième difficulté, c’est que, les pollutions peuvent connaître des solutions techniques. À un problème de pollution, on peut répondre par le fait de produire mieux. Tous les autres problèmes, ils sont très différents et ils sont associés à la hauteur des flux sous-jacents à nos activités économiques. Flux d’énergie d’un côté, flux de matières de l’autre. Et là, ce n’est plus une question de produire mieux. Donc, on voit qu’avec le mot pollution, comme avec le mot risque et l’expression crise écologique, qu’on redescend le niveau de difficultés.
Alors, pour conclure, on ne traverse pas une crise, c’est-à-dire, nous ne traversons pas un moment, un court passage entre deux normalités. On est en train de véritablement basculer dans un état jamais expérimenté de la Terre, et ce pour une durée très longue. La notion de risque renvoie à des dommages circonscrits, à des dommages qui sont financièrement compensables. Ce qui n’est nullement le cas des dégradations du système Terre. C’est pourquoi il convient alors de parler de menace. Les problèmes de pollution ne constituent qu’un aspect réduit des problèmes que nous connaissons.
Appréhender la réalité et les mots de la nébuleuse écologique
L’écologie, c’est l’étude des écosystèmes, l’étude que les espèces entretiennent entre elles et avec le milieu. C’est aussi l’étude des populations. C’est vraiment une science, une discipline scientifique, au sens classique du terme.
L’écologisme, c’est le mouvement social dans le sens général. C’est le mouvement associatif qui part de l’écologie, qui se donne pour objet la défense de la nature, la lutte contre l’érosion de la biodiversité, les luttes contre les dégradations des milieux.
L’environnementalisme, c’est l’approche des questions environnementales, notamment des questions écologiques, par les sciences sociales. C’est une approche classique, les sciences sociales se saisissent des questions environnementales avec le paradigme qui consiste à présupposer que les phénomènes sociaux se comprennent à partir d’eux-mêmes, qu’ils sont sui generis. L’écologisme renvoie aux militants et associations et l’environnementalisme renvoie aux chercheurs en sciences sociales s’occupant d’environnement.
Les humanités environnementales ont un paradigme différent. Les sociétés ne s’organisent pas simplement sui generis. Elles sont dans un jeu dialectique avec le milieu. Bien sûr, elles peuvent transformer le milieu. Mais, le milieu lui-même et ses transformations, même celles qu’elles ont occasionnées elles-mêmes, vont les amener à changer du tout au tout.
Les trois mots correspondent à des domaines différents, relevant de la vie sociale et militante pour l’écologisme, et des différentes strates de la vie académique, pour les autres mots.
Formation de la pensée écologique
La pensée écologique, c’est un travail de réflexion, de liaison, d’élaboration de tissages à partir de l’accumulation de constats des dégradations du système biosphère qu’on va commencer à établir. Après les premiers constats, les récits de voyages ou les constats liés à la déforestation, on va voir la part d’élaboration de travail scientifique devenir dominant. À la fin de la deuxième guerre mondiale, la pensée écologique s’affirme de façon très claire dès le début, avec deux traits constitutifs, la critique de l’anthropocentrisme et ce scepticisme.
La critique de l’anthropocentrisme revient à remettre en question nos relations, les relations de l’humanité, que l’humanité entretient avec les écosystèmes et plus généralement la biosphère. Par exemple, George Perkins Marsh montre les effets de l’humanité sur les écosystèmes forestiers, sur les écosystèmes côtiers et prend un ton apocalyptique : l’humanité qui se considère comme une espèce extérieure à la nature. On a ensuite des constats qui vont devenir de plus en plus précis, qui vont s’accumuler.
Le deuxième trait, le scepticisme, on construit une interrogation sur la place de l’homme dans la nature et la capacité des techniques à faire face aux problèmes qu’elles occasionnent et au degré de dégradation qui est en train de monter.
De la pensée écologique à l’écologie politique
On va situer l’émergence et le développement en courants divers de l’écologie politique et connaître la relation de l’écologie politique avec la pensée écologique. La pensée écologique ça n’est pas l’écologie politique. L’écologie politique, c’est un fruit de cette pensée.
À la fin de la deuxième guerre mondiale, l’écologie politique s’approprie les problèmes environnementaux pointés du doigt au XIXe siècle. L’écologie politique apparaît parce qu’un certain nombre d’auteurs pense que les difficultés écologiques ne pourront être surmontées que par une refonte des sociétés.
Les décennies 1960 et 1970 sont la période charnière où, grâce à la masse de constats et au degré d’informations très important, l’intuition de la pensée écologique se confirme. Des multiples courants d’écologie politique émergent. C’est aussi la période durant laquelle le grand public sera le plus réceptif au discours écologique. Par rapport à l’écologie politique, il existe plusieurs mouvements différents : le courant
- malthusien celui qui met l’accent sur un des facteurs majeurs de la crise, l’explosion démographique ;
- arcadien, qui le fait imaginer que tournant le dos à un certain productivisme, à une certaine forme d’industrialisme, on peut construire une vie beaucoup plus heureuse ;
- institutionnaliste, qui se focalise sur la réforme des institutions, puisque effectivement on doit réformer la société et on ne peut pas imaginer de réformer la société et les modes de vie sans réformer les institutions ;
- apocalyptique, c’est-à-dire que là, on a atteint déjà un degré de dégradation très fort, on ne va très probablement pas changer de suite et l’idée d’un effondrement à un horizon plus ou moins proche ;
- autoritaire, le courant qui dit que les démocraties ne sont pas capables de répondre et il ne faut pas chercher les solutions du côté des démocraties mais du côté d’une alternative autoritaire au système démocratique.
L’écologie politique considère que seule une réforme de la société et les modes de vie pourraient faire face à ces problèmes d’environnement qui s’accumulent, et éviterait à l’humanité une forme d’effondrement.
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