Dans ce premier module, on présente le concept du « développement durable » et on discute les questions d'inégalité de revenus au niveau mondial. On traite les mécanismes liés aux ressources fossiles et leur coût en termes de dérèglements climatiques, ainsi que le coût des activités économiques de production et de consommation, en termes de perte de biodiversité et de services écosystémiques. Après, on traite des écoles de pensée en matière de développement durable et d'économie de l'environnement et des ressources naturelles.
Module 1 Économie
Le développement économique à l'heure actuelle n’est pas durable et c’est pour ça qu’on a introduit le concept du « développement durable » : « celui qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs » (Bruntland, 1987).Le développement économique à l'heure actuelle se base sur trois choses : 1) des ressources naturelles bon marché ; 2) une croissance de la consommation d'énergie extrêmement élevée et 3) une croissance de l'économie nécessaire pour que le système économique soit à l'équilibre.
Le progrès technologique détruit les emplois. Il est donc nécessaire de garantir une croissance de la production pour continuer à embaucher davantage de travailleurs. Par ailleurs, la croissance économique est aussi nécessaire pour un certain nombre de pays et de zones économiques qui sont endettés. Ce développement économique s'accompagne des écarts de richesse importants avec une hausse des inégalités de revenus et des impacts environnementaux (les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité). Ces inégalités repartent à la hausse dans tous les pays du monde, en raison du progrès technique, d’une fiscalité moins redistributive, et du fait que les revenus du capital sont générés à un niveau mondial. Il est beaucoup plus facile d'optimiser, pour les détenteurs de capital, leur imposition pour la réduire au maximum.
On doit trouver des substituts technologiques aux ressources fossiles à travers les autres formes d'énergies renouvelables. Cependant, ces substituts sont encore très chers et ils ne permettent pas encore de répondre à l'ensemble des besoins actuels. On peut distinguer trois succès principaux en matière de négociation internationale sur les questions de développement durable :
- 1992 la Conférence mondiale sur l'environnement en 1992 à Rio ;
- 1997 la Conférence à Kyoto en 1997 pour parler du climat et de poser des objectifs contraignants de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
- 2010 la Conférence à Nagoya (Japon) en 2010 sur la protection de la biodiversité. L'objectif du Protocole de Nagoya est de porter les aires protégées à hauteur de 17 % pour les terres et jusqu'à 10 % pour les mers.
Le dérèglement climatique engendre des coûts sociaux, environnementaux et économiques. L'économiste Nicholas Stern a comparé les coûts de l'inaction au coût de l'action. Les coûts d’un dérèglement climatique faible représentent à moyen terme 10 % du PIB mondial chaque année (20 % en cas d’un dérèglement levé). Le coût des mesures prises pour lutter contre le dérèglement climatique représentera en moyenne seulement 1 % du PIB mondial chaque année.
Pour maintenir les services écosystémiques, l'ensemble des productions gratuites offertes par l'environnement, il faut protéger la nature. C’est impossible de remplacer ces services écosystémiques par des activités purement humaines. Cependant, à l'heure actuelle, le rythme actuel d'extinction des espèces est de 100 à 1 000 fois supérieur au taux moyen d'extinction depuis l'apparition de la vie sur Terre ! L’économiste Sukhdev estime que le coût de l'érosion et de la perte de biodiversité se situe entre 1 350 milliards d'euros par an jusqu'à 3 100 milliards d'euros par an.
Le débat économique avant 2000
Le développement durable parle de l'environnement comme étant des ressources naturelles nécessaires à la production et à la consommation. Le fait de penser ces ressources de façon limitée est déjà ancien dans le débat économique.Dans son essai sur le principe des populations (1798), Thomas Malthus énonce la loi selon laquelle la population connaît une croissance géométrique alors que la production agricole suit une croissance arithmétique. Alors, il faut absolument empêcher la croissance démographique si on veut éviter une désastreuse disette. Cependant, selon John Stuart Mill, on peut bien répondre aux besoins de l'humanité, grâce à l'accumulation de savoir-faire et de progrès technique.
En 1972, le rapport du Club de Rome « Halte à la croissance ? », prévoit une diminution forte de l'industrialisation à l'horizon du siècle précédent, une diminution de la taille de la population, due à une pollution excessive, une limitation de la production agricole, et puis des ressources minérales épuisées : le stock d'or, de mercure, de pétrole, de zinc et d'argent. Cependant, le rapport et le modèle sont critiquables en raison des prévisions en matière démographique et l'absence de système de prix. Cependant, le rapport a eu une utilité médiatique et politique, puisque dans les années 70, il remet sur le devant de la scène des questions extrêmement importantes.
En 1977, l'économiste Leontief rejette les conclusions du rapport du Club de Rome. Bien qu’il soit forcé qu'à long terme les ressources non renouvelables tendent vers zéro (que le stock de ressources tende vers zéro), la date à laquelle ce stock s'approche de zéro, est complètement modifiée. Le fait que ces ressources soient épuisées à plus long terme, va permettre à l'humanité, de s'adapter, de trouver des solutions en termes de mode de vie et en termes de technologies.
Le premier modèle de développement durable de Partha Dasgupta et Heal date de 1974. Il pose trois conditions pour réaliser un développement durable :
- Le capital doit être un bon substitut à la ressource non renouvelable qui s'épuise, ou à la ressource renouvelable que l'on surexploite.
- Il faut que dans le système économique, on épargne suffisamment pour investir dans la recherche pour ces substituts
- La population ne doit pas croître trop rapidement
Le débat économique d'aujourd'hui
Aujourd'hui, trois écoles, s’affrontent sur la question du développement durable et de la croissance :- L'économie écologique Elle voit l’économie comme un système qui donne lieu à des échanges de flux, de matières, entre des ressources et des produits finis. Au total, d'après les termes de la thermodynamique, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (l’économiste Georgescu-Roegen).
- La croissance durable. (Dasgupta-Heal, Dasgupta-Stiglitz) : le système vivant a son propre fonctionnement, un fonctionnement différent du système économique, dont la croissance peut être illimitée (les économistes Smulders et Tavohnen). La première phase de développement qui consiste à satisfaire les besoins matériels des humains est suivante par une phase de croissance immatérielle qui n'est pas une croissance de la production, ou une consommation sans ressources, mais dont l'utilisation des ressources diminue au fur et à mesure du temps.
- La décroissance durable. (« Halte à la croissance » de 1972) : le capital ne soit pas un bon substitut des ressources naturelles, car il ne va pas permettre ou la science ne va pas permettre de repousser les limites de la nature.
La courbe environnementale de Kuznets |
Cette courbe illustre assez bien « la croissance durable » puisque lorsqu'on a dépassé un certain niveau de revenu, cette augmentation du revenu peut s'accompagner d'une réduction des dégâts et des dommages sur l'environnement. Alors, « il faut dépasser un certain revenu pour voir décroître les émissions de certains polluants ». Selon les chercheurs Grossman et Krueger qui voient ce retournement comme quelque chose d'automatique, il faut dépasser au plus vite un niveau de revenu par tête pour améliorer l'environnement.
Pour d'autres économistes (Smulders), ce retournement, au contraire, n'a rien d'automatique. Il y a une relation, une corrélation entre les deux variables : entre le PIB par tête et les émissions de polluants sans qu'il y ait un lien de causalité directe. Il y a une variable cachée entre les deux, qui serait l'ensemble des décisions en termes de protection de l'environnement, de normes environnementales, et d'objectifs qu'on s'astreint dans les démocraties, et qui font qu'à un moment donné, on peut diminuer les émissions de polluants.
Les avocats de la décroissance durable considèrent qu'il n'y a pas de courbe environnementale de Kuznets possible pour l'ensemble des polluants. Que lorsqu'un des polluants est observé à la baisse, souvent l'activité économique, ou les solutions techniques génèrent d'autres types de polluants qui viennent se substituer
La fiscalité va être l'élément déterminant dans le sentier de croissance durable. La solution pour rétablir le bon niveau des émissions polluantes, passe par des taxes sur les activités qui génèrent des « externalités négatives ». Cette taxe sur les activités polluantes va inciter à développer des méthodes et des solutions techniques alternatives moins polluantes, va inciter des modes de production et de consommation plus vertueux sur le plan environnemental.
De nombreux modèles de croissance durable tentent à l'heure actuelle de comprendre l'impact de la taxe carbone, sur le processus de croissance et d'innovation des entreprises. Le taxe carbone n'entraîne pas de pression fiscale supplémentaire, s’il y a eu une substitution entre les taxes existantes et la taxe carbone. En effet, les modèles de croissance durable montrent que la taxe carbone peut avoir des effets positifs sur la croissance et l'environnement à moyen long terme. Il est clair qu'à court terme, il y a un coût d'adaptation sociale et économique.
Conclusion
Le concept de développement durable revêt trois principes extrêmement importants :- la question n'est pas : croissance ou pas croissance économique à moyen et à long terme. La question est : quel contenu voulons-nous donner à la croissance économique, pour que celle-ci génère moins de dommages environnementaux et moins d'inégalités sociales ? La réforme fiscale est absolument centrale.
- Il n'y a pas de progrès, ni même de croissance qualitative ou de développement durable, sans l'utilisation de ressources naturelles
- il y a un besoin rationalité, un besoin de calcul économique qui dépasse les intérêts individuels, et qui soit un calcul social ou collectif de nos objectifs. Il y a une nécessité dans et entre les pays, à organiser des transferts technologiques, à organiser des financements nouveaux, pour que cette rationalité collective et les modes de production et de consommation les plus vertueux soient largement diffusés.
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