- Les maux et les mots de l’écologie
- Les différents courants de l’écologie politique
- De l’écologie politique au développement durable
- Le courant institutionnaliste de l’écologie politique [...] et l’incapacité des démocraties à gérer le long terme
Module 3 De l’écologie politique au développement durable
On pourrait voir le développement durable comme une alternative au discours de l’écologie politique. Le développement durable est une forme de réponse de la société en général, de ses institutions, aux critiques de l’écologie politique. L’écologie politique part du constat qu’on a atteint un tel degré extrêmement élevé de problèmes qu’on saurait plus répondre avec des technologies seules.
Le développement durable existe déjà depuis presque un demi-siècle. Dès le Sommet de Stockholm en 1972, on connaît les trois axes, les aspects sociaux, les aspects économiques et les aspects écologiques. L’expression développement durable ou « sustainable développement » apparaît pour la première fois en 1980. Cependant, c’est le rapport « Notre avenir à tous » en 1987 qui a distribué le concept de développement durable à une grande échelle.
Le concept du développement durable cible deux grands déséquilibres : la répartition de la richesse sur Terre et les grands problèmes d’environnement globaux. Le développement durable est une forme de réponse « mainstream », une pensée dominante de la société au discours de l’écologie politique. Ces fondements sont la conciliation des aspects sociaux, des aspects économiques et des aspects environnementaux.
Les caractéristiques du développement durable
Le développement durable souhaite harmoniser trois grands piliers : le pilier social, le pilier économique et le pilier environnemental. Pour ce faire, le développement durable se donne pour objectif le découplage de la croissance du PIB. En d’autres termes, de la richesse par rapport aux flux de matière et d’énergie. Ainsi, le but du développement durable n’a jamais été de stopper la croissance, mais bien au contraire de l’accompagner tout en réduisant les dégâts.
Or, selon le professeur, c’est là l’échec du développement durable. En 40 ans on n’aurait absolument pas réussi à découpler, tandis que la situation de l’environnement global serait désormais passée au rouge foncé. C’est la même chose pour l’autre objectif du développement durable, la répartition moins inégale de la richesse sur Terre. La stratégie du découplage, elle était censée s’appuyer sur des stratégies de dématérialisation ; l’écologie industrielle, l’économie circulaire et l’économie de fonctionnalité.
- L’écologie industrielle, c’est le fait de mutualiser certaines activités, de faire que les déchets des uns deviennent les ressources des autres, mais sur un même site, avec des entreprises proches les unes des autres.
- L’économie circulaire, c’est l’idée de réduire les flux de matière et d’énergie, mais aussi de réutiliser, de réfabriquer et in fine de recycler.
- L’économie de fonctionnalité, c’est le fait de remplacer la vente d’un bien par la vente de l’usage de ce bien.
Avec le concept du développement durable, on a aussi beaucoup développé l’approche participative des problèmes d’environnement, par exemple par la Convention d’Aarhus de 1988. Cependant, le développement durable à fait de progrès. On a développé des instruments, des stratégies de dématérialisation, de la participation du public et, par exemple, le principe important de précaution.
Malgré soi-disant échec, les apports positifs du développement durable sont nombreux. L’approche participative, le principe de précaution, l’écologie industrielle et les stratégies sur lesquelles devait déboucher le développement durable sont des outils intéressants. Le développement durable avait plusieurs stratégies, notamment des stratégies de dématérialisation et d’énergies propres, et aussi des stratégies telles que l’économie circulaire qui réduit les flux de matière et d’énergie et tente de boucler le système économique, et l’économie de fonctionnalité qui a pour but de remplacer la vente d’un bien par la vente d’usage de ce bien.
La durabilité faible ne remet pas en question la croissance et a pour présupposé la substituabilité de la nature par les techniques. La durabilité forte rejette ces substitutions et a pour but de préserver les grands équilibres fondamentaux du système Terre et de réduire l’exploitation des ressources non-renouvelables.
Le succès d’estime du développement durable, en termes de communication, tient au fait que sa définition très vague et élastique permet un consensus qui n’aurait pas été atteignable sinon. Il tient aussi au fait qu’il fut présenté comme une autre manière de promouvoir la croissance.
« L’échec » du développement durable
Le développement durable est considéré par le professeur comme un échec, puisque aucun de ces deux objectifs n’aurait pu être rempli : les flux de matières et d’énergie ne cessent de croître et les inégalités entre individus et entre parties du monde se sont accentuées.
Sur le plan conceptuel, le développement durable serait un échec pour deux raisons. La première raison concerne l’idée de substituabilité directement empruntée à l’économie néoclassique. Le développement durable se tromperait sur ce que sont et ce que peuvent les techniques. Les gains de productivité et en matière d’usage seraient entièrement effacés par l’augmentation de la consommation. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond direct.
En outre, les techniques permettent d’inventer des objets et des services nouveaux. Or, de nouvelles inventions, s’ajoutant à l’existant, impliquent des flux de matières et d’énergie additionnels.
Cependant, on pourrait aussi argumenter que les nouveaux techniques, en remplaçant des vieux techniques, économisent d’énergie et de ressources].
Il n’existe pas de techniques à l’échelle planétaire, c’est-à-dire à l’échelle des problèmes globaux d’environnement. Elles agissent au niveau local. Les techniques sont des médiations, des intermédiaires entre la nature et l’homme, elles ne peuvent en aucun cas se substituer à la nature. Une technique se substitue à une autre technique, permettant ou nécessitant ainsi d’exploiter de nouvelles ressources naturelles.
La seconde raison pour laquelle le développement ne serait durable sur le plan conceptuel, concerne l’harmonie entre les trois piliers, le pilier social, économique et environnemental. Le professeur croit très naïf de penser harmoniser ces trois piliers, alors que « rien n’échappe à la rationalité économique ».
Cependant, on pourrait argumenter que la situation ne peut que s’améliorer par incorporer d’autres considérations au lieu de se focaliser seulement sur l’économie ou la rentabilité].
[le professeur a donné un exemple sur la production de l’huile de schiste. Cependant, je pense que ça n’a rien à rien. On n’avait pas le but d’améliorer la durabilité par développer la technologie pour exploiter les schistes. On l’a présentée et critiquée comme l’exploitation de l’huile de schiste serait un exemple du développement durable. Je crois que c’est faux. L’exploitation de l’huile de schiste et du gaz de schiste ont le même but comme l’exploitation du pétrole et du gaz naturel conventionnels, faire du profit.]
L’effet rebond, c’est le phénomène que les économies qu’on a réussi à réaliser à l’échelle de chaque unité se donnent le fait qu’on vend plus d’unités. Alors, au bout du compte, les flux de matière et les flux d’énergie sous-jacents agrandissent. L’effet rebond indirect fait référence au fait que la baisse des coûts d’un bien, dont la demande n’est pas élastique, libère des flux financiers qui vont s’investir dans d’autres biens.
[Je pense l’exemple des États-Unis vraiment bête. On présente le fait qu’on ne va passer une loi nouvelle sans qu’il y ait une analyse coûts bénéfices, comme remplacer un jugement politique par un jugement économique. C’est faux. Ce n’est pas un remplacement, c’est une addition au processus décisionnel. De plus, par des analyses coûts bénéfices, on peut éviter des erreurs coûteuses. Évidemment, en cas d’environnement, en cas de lois qui servent à protéger l’environnement, on a besoin d’évaluations de la valeur économique de la nature protégée qui sont solides et complètes.]
Les présentateurs élucident que, confronté à une consommation croissante d’une ressource, le recyclage est inefficace.
[Je trouve l’exemple donné sur le recyclage vraiment bête et pas du tout convaincant. D’abord, le recyclage réduit les déchets, alors, au moins, c’est une technique efficace de réduire ce problème. Deuxièmement, chaque unité recyclée évite la consommation d’une unité de la ressource vierge, alors, on épargne… C’est plutôt bon, ou quoi ? Troisièmement, il y a des exemples ou la production d’un produit (comme l’acier ou l’aluminium) par un processus de recyclage coût moins d’énergie que sa production de la matière première. Évidemment, le recyclage ne résulte pas en une société durable, mais c’est quand même une manière très efficace de diminuer des impacts environnementaux et d’épargner des matières premières et par là, de contribuer à une société plus durable.]
Alternatives au développement durable : croissance verte, marchandisation de la nature et transhumanisme
La croissance verte, c’est essentiellement le développement durable et tabler sur le découplage. C’est-à-dire avec les techniques, et avec les techniques seules, on peut à la fois continuer à voir le PIB augmenter, à voir la richesse matérielle des uns et des autres s’accumuler, tout en dégradant moins l’environnement.
Le chercheur Pavan Sukhdev a poussé l’idée d’évaluer monétairement les écosystèmes et les services écosystémiques, de telle sorte que l’on comprenne mieux ce que l’on allait perdre en le détruisant. Le professeur peut comprendre cette logique, mais on pose que l’évaluation monétaire est devenue envahissante et tend à s’imposer comme unique modalité de jugement. On pose en plus que, dans le cadre de la marchandisation de la nature, mettre un prix sur la nature est dangereux, car le propre des prix dans notre économie financiarisée et déconnectée du réel, c’est la volatilité. On continue par poser que, si l’argument de protection de la nature est exclusivement le prix, alors une opportunité technique à coût réduit peut suffire à légitimer la destruction de la nature.
- Sukhdev Pavan, 2010, Mainstreaming the Economics of Nature: A Synthesis of the Approach, Conclusions and Recommendations of TEEB rapport
Le transhumanisme, c’est vraiment le discours absolument contradictoire avec le discours de l’écologie politique. L’idée présuppose que les problèmes écologiques peuvent être surmontés grâce au développement des techniques. Il dénie les limites à nos techniques.
Des interrogations de l’écologie politique sur la décroissance
En 2009, la commission britannique sur le développement durable a publié le rapport « Prospérité sans croissance ». Ce rapport prend acte de l’impossibilité de poursuivre indéfiniment la croissance et réfléchit sur les moyens d’organiser une société sans un PIB en croissance, sans des flux d’énergie et des flux de matières croissants.
- Jackson Tim, 2010, Prospérité sans croissance: La transition vers une économie durable rapport
Robert Gordon, économiste américain, a publié un livre sur l’ascension et la chute de la croissance américaine. Il défend la thèse selon laquelle, au moins pour les siècles qui viennent, la croissance est terminée. Il ne prend pas en compte les questions environnementales ou les limites planétaires, mais, il réfléchit sur les moteurs antérieurs de la croissance.
Une décroissance subie constituerait toutefois un traumatisme social, mais une décroissance assumée, organisée, répartie, en termes de flux de matières et d’énergie, est tout à fait envisageable et constitue très probablement un horizon incontournable.
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